La genèse de l'Auto-Magique, premières influences dès 1920
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Ou comment, l'histoire d'un livre lu à 7 ans peut bouleverser une vie et chambouler
l'histoire de l'industrie automobile...
Un
conte devenu réalité, dévoilé pour les
fêtes de Noël " Joyeux Noël
écologique "
Nous voilà repartit dans des temps très anciens ou la
machine à vapeur avait toute sa place ainsi que
les premières voitures à pétrole qui côtoyaient encore les chars à bœufs et les fiacres très majoritaires dans les rues.
À cette époque deux italiens de la veine de "Jules Verne" et de ses machines fantastiques à faire rêver
ont écrit un conte pour enfant.
Une demoiselle française l'a traduit de l'italien pour permettre sa publication merveilleuse en France en 1933.
30 ans plus tard, moi j'avais 7 ans, j'étais déjà un gone un peu bizarre, ma grand-mère m'emmenait
tous les jeudi
soir à la gare des Brotteaux (la vieille gare) pour aller voir les locomotives à vapeur et les premières loco électriques "BB".
À force de voir ce petit garçon et sa grand-mère sur les quais en tête de train, les conducteurs de locomotives à la gare des Brotteaux on finit par nous repérer et cela m'a valu de
monter dans la cabine de conduite de ces monstres d'acier! Puis on allait voir l'immense train miniature de la gare des Brotteaux
"devenu mythique" puisqu'il a été détruit. A la maison je prenais
aussi des châtaignes en jouant avec un train Jep à voie centrale connectée
directement sur le secteur, rail juste régulé avec une lampe à filament de
Carbone. Ma grand-mère m'emmenait aussi en cachette chez des grossistes industriels de
composants électroniques pour acheter un transistor "le composant" AC-126 ou AF-116 ou encore une diode OA-81 de chez Philips tout cela ne pouvait qu'éveiller
une curiosité insatiable pour les sciences techniques. Le coffret EE8 et EE16 Philips y est aussi pour quelque chose, comme
d'ailleurs cela été mentionné dans leur petit livret. "Attention" ce coffret peut changer votre destiné...
A 7 ans, j'allais
aussi à la vieille école primaire de la place Sathonay à Lyon, et comme la cour de
récréation c'était la place Sathonay elle-même, le maître d'école nous gardait parfois en classe les jours de pluie et nous permettait d'aller ouvrir
au fond de la classe "le placard". Ce placard était encastré dans le gros de mur qui séparait les classes communes du cours
élémentaire avec les 2 classes des grands du cours moyen.
À l’époque, il y avait encore des encriers sur les bureaux en pente. Une encre violette que l'on
fabriquait et jetant quelques cristaux mystérieux au fond de l'encrier que l'on complétait avec de l'eau du robinet. J'avais
horreur d'écrire "déjà à l'époque", les plumes Sergent-Major trop molles
qui s'écartaient bien trop en faisant de grosses taches sur le cahier de brouillon en papier recyclé pas
très lisse et un peu buvard ce qui avait le don de m'exaspérer. Bref, l'école déjà à l'époque m'ennuyait car elle ne m'apprenait rien
sur les sciences techniques.
Au fond, de l'impasse que vous voyez sur la photo, il y avait encore
en 1963, le centre de distribution des limonadiers de Lyon. Les livraisons de vin, bière et autres sodas Orange et sodas Citron
ainsi que les pains de glace des glacière de Paris étaient
effectuées dans les bistros avec des camions électriques SOVEL bardés de
part et d'autre du châssis de deux très grosses batteries au plomb. On n'arrête pas le progrès qu'ils disent...
Un jour, lors d'une récré pluvieuse je fut autorisé à aller ouvrir "le fameux placard" pour y choisir
un objet de distraction. Tout au fond, contre la vielle tapisserie marron je découvre
un vieux livre coincé serré dans une rangée de livres anciens, Il avait sa couverture arrachée, sur la première page on pouvait
encore lire le titre "L'Auto-Magique".
Je me mets sagement à ma place et je commence la lecture de ce petit livre... les conséquences
imprévisibles en furent apocalyptiques pour certains grands patrons de l'industrie de nos jours...
Ce livre reste introuvable à ce jour, aussi en voici, une réinterprétation de ma part pour petit et
grand pour vous permettre de passer dans la 5ème dimension "la seule qui permette d'avancer " en s'affranchissant des blocages de
l'imagination et du temps.
Chapitre 1 - GoyaGoya fait un voyage merveilleux
Il est tard, l'heure de l'école approche. GoyaGoya dégringole les escaliers quatre à quatre. Il a
entendu sonner depuis longtemps le coup de trois quarts et, en passant devant l'église, il s'aperçoit que la grande aiguille
marque huit heures moins cinq. Il allonge le pas, fouillant anxieusement les rues du regard pour découvrir un tram ou un autobus.
Mais, autour de lui, c'est le vide complet.
« Cette fois, je vais être en retard, pense-t-il, et j'aurais une heure de retenue. Et les vacances
qui commencent aujourd'hui! »
Perdre une grande heure de ces précieuses "vacances de Noël", c'est dur!
GoyaGoya se met à courir. Allons vite! Plus vite! Peut-être arrivera-t-il encore à temps!
Peut-être le maître d'école sera-t-il lui-même en retard... Il aurait voulu avoir des ailes! Son cœur
battait et il fut bientôt hors d'haleine. Cahiers, livres, crayons cliquetaient dans son sac.
Son rêve de la nuit lui revint tout à coup à l'esprit. Pour sa fête, on lui avait donné une petite
auto et il avait roulé des heures et des heures sans arrêt. Quoi d'étonnant à ce qu'il se fût réveillé en retard?
— Ah! S'écria GoyaGoya en soupirant, si j'avais seulement une auto! Et voilà que GoyaGoya venait de
formuler ce souhait en une heure enchantée.
L' heure enchantée n'est pas une heure ordinaire !
Elle ne dure qu'un instant et ne se présente qu'une seule fois dans la vie d'un homme. Ce que l'on
souhaite à ce moment-là s'accomplit toujours.
Malheureusement, les hommes ne savent jamais quand sonne leur heure enchantée et la
plupart d'entre eux la laissent passer sans y prendre garde, en ne souhaitant rien. D'autres disent : « Ah! J'ai une soif! Je
boirais bien un verre d'eau!» Ou bien : « Que j'ai faim! Si j'avais un petit morceau de chocolat! » Et ils obtiennent leur verre
d'eau et leur chocolat, pas davantage ! D'autres ont encore plus de déveine : « Ça me pique dans le nez ! Où est donc ce maudit
mouchoir? S'il était dans ma poche... » Ils trouvent en effet le mouchoir dans leur poche, ne se doutant pas du tout qu'une
minute auparavant il n'y était pas. Puis ils éternuent, se mouchent, et c'est tout ce qu'ils retirent de leur heure enchantée qui
ne dure qu'un instant!
GoyaGoya avait donc désiré une auto. Juste au moment où il formulait ce vœu, une auto flambant neuve
s'approche de lui et stoppe exactement à l'endroit où il s'est arrêté pour reprendre haleine.
Bonjour, dit l'homme assis au volant. Monte vite, tu n'as plus qu'une minute.
Avant que le petit garçon soit revenu de sa surprise, il se trouve dans l'auto qui se lance à une
vitesse folle. Les rues, les hommes, les maisons, tout danse devant ses yeux. Est-ce un rêve? Est-ce la réalité? Ne viennent-ils
pas de passer sous le nez d'un agent? Pas le temps de réfléchir à tout cela! A l'école! Vite à l'école! Le voilà déjà arrivé;
l'auto s'est arrêtée devant la porte!
GoyaGoya saute de la voiture, oublie de remercier, se faufile juste à temps dans la classe au moment
où le professeur y entre. Il s'assit sur son banc, tout abasourdi et dans une grande surexcitation Quelle singulière auto!
Comment était-elle faite? Il n'avait pas très bien regardé.
Et comme elle filait! Qui pouvait bien être le brave homme qui la conduisait? Lui non plus, il ne
l'avait pas regardé. Était-il blond, brun, grand, petit? Heureusement que c'est aujourd'hui le dernier jour de classe, car
GoyaGoya est très distrait et ne pense qu'à l'auto.
Enfin la cloche sonne! Vite, dehors! Si l'auto était encore là...
Beaucoup de voitures stationnent sur la place. GoyaGoya les passe en revue. Il ne se rappelle plus la
couleur de la voiture ni la tête du chauffeur. Il sait seulement que c'est une marque inconnue de lui. Ce n'est ni une Citroën,
ni une Renault ou alors peut être un projet secret, ni une Ford, ni une Mathis... Et la forme? Allongée comme un poisson, lui a-t-il semblé...
La voilà, arrêtée devant une porte cochère! Ce ne peut être qu'elle! Rayée de gris clair, étroite et
allongée, elle ressemble vraiment à un poisson. Ou encore à un dirigeable... Mais elle n'est pas vernie comme les autres autos.
Elle est comme revêtue d'une cuirasse blindée.
Le chauffeur aussi est étrange : long et maigre, coiffé d'une casquette plate et portant de grosses
lunettes. Son visage et ses vêtements sont de la même couleur indéfinissable, d'un gris transparent mêlé de
vert. A l'ombre... Mais quand le soleil s'échappe des nuages et envoie l'un de ses rayons sur la grande
porte sombre, l'aspect de l'homme change. Il brille subitement de toutes les couleurs de l'arc-en-ciel.
GoyaGoya hésite avant de lui adresser la parole : « Je vais le remercier, pense-t-il, la politesse
l'exige. »
Derrière ses verres, le conducteur regarde amicalement le petit garçon, lorsque celui-ci s'approche
de lui.
Quant à GoyaGoya, son discours s'arrête presque dans sa gorge. Il bredouille quelques mots... C'est
que cet homme ne ressemble pas du tout aux autres hommes. Quel large bouche fendue en croissant de lune! Et ce nez plat, ce corps
si mince, ce dos courbé, ces bras maigres et courts...
— Monte, dit enfin le personnage. Je m'appelle Monsieur Lhazâr. Je veux t'apprendre à la conduire.
GoyaGoya a un peu peur, mais il n'ose le montrer. Est-ce qu'on laisse échapper une si belle occasion?
Ce serait vraiment ridicule! Bravement, il s'assied à la place du chauffeur.
L'intérieur de la voiture est aussi bizarre que son extérieur. On y voit des interrupteurs et des
leviers, des manivelles, des plaques de cuivre rondes ou carrées, des aiguilles et des anneaux, des roues, des vis, des manettes
et des boutons, des cornets acoustiques et des écouteurs, des compas et des cadrans. Le tableau de commande tout entier est
recouvert de toutes sortes d'appareils, d'une quantité d'inscriptions et de chiffres. Tout cela donne le vertige.
— Déboucle ton sac, dit M. Lhazâr, nous allons le déposer chez toi en passant. Et maintenant, regarde
un peu, mon jeune ami!
Il lui montre alors comment on doit embrayer et débrayer et lui explique en gros pourquoi la machine
est ainsi construite. C'est un bon professeur et GoyaGoya comprend plus vite qu'il ne s'y attendait.
Légère et silencieuse, l'auto glisse sur l'asphalte. Pas aussi vite que le matin, mais cependant à
une allure qui laisse bien loin en arrière les autres voitures. Devant eux, roule une Rolls Royce. Le chauffeur a l'air pressé.
Il klaxonne sans interruption et double tous les autres véhicules. Une pression sur le levier : GoyaGoya part comme une flèche,
dépasse si rapidement la Rolls Royce que le chauffeur, effaré, se retourne brusquement. GoyaGoya manie le volant aussi facilement
qu'un jouet. Comme ça marche bien dans les tournants dangereux! L'auto lui paraît flexible et souple comme un être vivant.
Ils atteignent la rue où demeure GoyaGoya :
—Suspends ton sac à ce crochet, dit M. Lhazâr. Dans quelle maison et à quel étage habites-tu?
—Numéro 10, au troisième.
—Bon. Essaye de calculer la distance entre la fenêtre de ta chambre et le sol ; cela doit bien faire
douze mètres. Pousse ce verrou jusqu'au trait qui désigne le nombre de mètres désiré. À présent, appuie sur le bouton...
Au moment où ils passent devant la maison, une petite grue, invisible auparavant, rebondit en l'air,
étroite et élastique, à l'endroit où le crochet est placé, jette le sac par la fenêtre ouverte de la chambre de GoyaGoya et
revient en arrière, semblable à un ressort d'acier, pour disparaître à l'intérieur de la voiture. GoyaGoya reste bouche bée : «
Ce doit être une nouvelle invention », pense-t-il.
Les voici hors de la ville. GoyaGoya appuie sur le bouton et écoute, émerveillé, le son mélodieux du
cornoscope (2).
— C'est un cornoscope, un cornet bien spécial, lui explique son compagnon. Elle peut jouer des
mélodies entières et imiter tous les instruments de musique.
Elle peut aussi rugir comme un lion, claqueter comme une cigogne et rendre le langage de tous les
animaux. Cela, je te le montrerai une autre fois. Mais arrêtons-nous. Il était temps! Et il serre les freins. L'auto s'arrête instantanément. Elle vibre légèrement, mais sans choc appréciable.
GoyaGoya se demandait le motif de cette halte, quand il aperçut au milieu de la route un petit
poussin qui picorait tranquillement des grains d'avoine.
Il ne faut jamais faire de mal aux animaux, dit M. Lhazâr, en faisant envoler le poussin. Chaque fois que tu vois un animal en détresse, ton devoir est de le secourir. Car, toi aussi, tu as
besoin des animaux.
Tout service rendu doit être payé de retour. C'est une affaire d'honneur. Du reste tu n'as pas
toujours besoin de t'arrêter devant de si petits obstacles, tu peux simplement sauter par-dessus. Une légère pression sur ce
levier et, à l'aide de ressorts, la voiture s'élève dans les airs. Tu règles la hauteur du saut en appuyant plus ou moins
fortement
Tiens, nous allons l'essayer tout de suite! Vois-tu l'attelage de ce paysan, devant nous? Il roule
juste au milieu de la chaussée. Nous allons voir s'il nous laisse passer.!.
Ils repartent et GoyaGoya commence à klaxonner. Mais le paysan ne bouge pas.
Il continue d'aller nonchalamment au trot de son petit cheval, en allumant sa pipe. Comme beaucoup de
paysans bornés, il détestait les autos.
Il se faisait un malin plaisir d'irriter les conducteurs et ne manquait pas une occasion de leur
jouer un vilain tour.
C'est ainsi qu'à ce moment il riait sous cape et se disait intérieurement:
Même s'il y avait la place, je ne te laisserais pas passer, espèce d'idiot! Il regardait en même
temps si aucun gendarme ne se trouvait dans le voisinage.
—En avant, GoyaGoya, appuie sur le levier!
Et de toutes tes forces !
Hop! La voiture bondit par-dessus l'attelage et continua de rouler de l'autre côté. M. Lhazâr appuya
sur une pédale : C'est le soufflet. Pour le punir, je lui ai envoyé une bonne bouffée de poussière dans la figure.
GoyaGoya ne put s'empêcher de rire.
Quant au paysan, comme il écarquillait la bouche et les yeux de stupéfaction, il avala une grande
quantité de poussière, éternua, toussa, ne sachant ce qui lui arrivait. En même temps, son cheval s'emporta et l'attelage tomba
dans le fossé. Le paysan fut projeté hors de la voiture et avec lui tous les légumes qu'il portait au marché. Par bonheur, il ne
s'était rien cassé. Il se retrouva bientôt sur ses jambes. Lorsque le nuage de poussière se fut dissipé, il vit disparaître au
tournant l'auto mystérieuse qui scintillait dans le soleil comme de la nacre. Geignant et grognant, il retira sa voiture du fossé
et ramassa ses légumes.
Pendant ce temps, la chaleur avait augmenté et GoyaGoya sentit la soif le gagner.
Veux-tu boire quelque chose? lui demanda M. Lhazâr qui semblait deviner toutes ses pensées. Nous
allons nous reposer à l'ombre de ce grand arbre. C'était certes très agréable d'échapper pour quelques instants aux rayons
brûlants du soleil. Mais quel dommage qu'aucune source ne se trouvât dans le voisinage! M. Lhazâr aurait-il eu soin de dissimuler
une bonne bouteille dans sa voiture? Pourtant, il ne faisait pas mine de dénicher ni bouteille ni panier de provisions. Il
s'affairait plutôt autour du tableau de commande sur lequel se trouvait un autre petit tableau blanc vertical parsemé
d'innombrables petits trous serrés les uns contre les autres. Chacun de ces trous était surmonté d'inscriptions minuscules
formant une carte de restaurant complète : à gauche, les boissons; à droite, les aliments.
Pour se procurer quelque chose, on tirait l'une des chevilles placées en haut du tableau de commande,
on l'enfonçait dans l'ouverture correspondante et l'on recevait ce qu'on avait désiré. GoyaGoya, qui aimait beaucoup la limonade,
enfonça une cheville dans l'ouverture au-dessus de laquelle était écrit « limonade ». Tout autour se trouvaient de plus petites
ouvertures portant les mots de : citron, framboise, orange, etc... Celles-ci fonctionnaient à l'aide de toutes petites chevilles.
A gauche du tableau, un robinet en cuivre relié au réservoir d'essence par de mystérieux tuyaux,
distribuait la boisson souhaitée. Lorsque GoyaGoya eut enfoncé une grande et une petite cheville, il voulut tourner le robinet,
mais M. Lhazâr l'arrêta :
— Voyons, tu n'as pas de verre! S'écria-t-il.
GoyaGoya fit une grimace désappointée. Il mourait de soif et voilà que, faute de verre, il ne
pourrait se désaltérer! Mais il n'existait sans doute rien que l'auto ne pût fournir. Sur une plaque ronde en argent portant
l'inscription « vaisselle » tournait une aiguille entourée elle-même d'autres aiguilles très fines et d'une quantité de petites
inscriptions.
GoyaGoya plaça la grande aiguille sur le mot « récipients » et l'une des petites sur le mot « gobelet
». Aussitôt sortit de la paroi avant de la voiture un petit plateau d'argent supportant une timbale également en argent. Alors
GoyaGoya tourna le robinet et il en coula une boisson délicieuse parfumée à la framboise. C'était si bon qu'il en but cinq verres
de suite eu changeant chaque fois de sirop.
— Maintenant, c'est assez, dit M. Lhazâr. Tu vas te rendre malade. Nous allons prendre un acompte sur
le déjeuner.
A droite du petit tableau se trouvait une plaque de cuivre carrée, la plus grande de toutes. On la
tira pour servir de table : à sa place bâillait une sombre ouverture. GoyaGoya enfonça une grosse cheville sous l'inscription «
Sandwich », quelques petites sous celles de « jambon, pâté, fromage ». Sur la petite table de cuivre apparut alors, par
l'ouverture, un plateau d'argent portant d'appétissants petits pains rangés les uns à côté des autres sur un plat d'or. Les
assiettes et les couverts étaient, eux aussi, en argent massif et les serviettes de la soie la plus fine. GoyaGoya n'arrivait pas
à se rassasier; il avalait sandwich sur sandwich.
Quand le plat fut vide, on appuya sur un bouton et il disparut à l'intérieur de la voiture. Désirant
quelques gâteaux, ils se firent donner une pleine corbeille de friandises de toutes sortes.
Enfin, ils retirèrent les chevilles, firent rentrer la plaque de cuivre et, quand tout fut en ordre,
ils se remirent en route.
— Où allons-nous? Demanda GoyaGoya.
— Aujourd'hui, nous ne ferons qu'un petit tour pour t'apprendre d'abord à bien conduire. Tu es loin
de connaître ta machine à fond. Tu as déjà vu qu'elle possède beaucoup plus de qualités que n'importe quelle autre voiture. Je
vais, à présent, te montrer quelques-unes de ses particularités. Ne trouves-tu pas monotone, par exemple, de rouler sur une route
plate? Ce serait bien plus amusant de se promener à travers champs...
— Mais, s'écria GoyaGoya, on pourrait s'embourber et même capoter!
M. Lhazâr sourit :
— Tu vas voir comme c'est facile! On roule aussi bien sur les pierres et les galets que sur le sol mou
et glissant. Mais il nous faut, pour cela, faire une petite transformation. Je vais te montrer le maniement des différents
appareils.
Ils s'arrêtèrent et M. Lhazâr se mit à l'ouvrage. Il abaissa des leviers, tourna des manivelles, tira
différents registres.
Au fond de l'auto se dressa un levier qui la souleva lentement en l'air. Lorsqu'elle fut à environ
cinquante centimètres au-dessus du sol, les roues disparurent à l'intérieur comme l'avaient fait la timbale et le plateau. A leur
place apparurent des rouleaux et de larges chaînes.
Puis l'auto s'abaissa lentement sur le sol, tandis que le levier rentrait automatiquement dans la
voiture. L'auto ressemblait maintenant à un petit tracteur à chenille, mais bien plus mobile et beaucoup moins lourd que ceux-ci
ne le sont ordinairement; il était si bien suspendu qu'on ne sentait pas du tout les inégalités du sol.
M. Lhazâr abandonna donc la route et se mit à rouler sur les champs en friche. Il recherchait avec
intention les endroits les plus difficiles, les surfaces sablonneuses et les pierres pointues, les fossés profonds et les
terrains accidentés. Mais au lieu de se sentir cahoté, on glissait comme sur l'asphalte le plus doux. La voiture rebondissait
légèrement sur ses ressorts et pouvait ainsi marcher à n'importe quelle vitesse.
Au milieu d'un champ, ils rencontrèrent un grand troupeau de moutons. Comme ces animaux ont coutume
de le faire, ils paissaient tous au même endroit, étroitement serrés les uns contre les autres.
— C'est trop compliqué de faire le tour de ce troupeau, dit M. Lhazâr. Il va falloir qu'ils nous
laissent le chemin libre. Nous allons écouter ce qu'ils racontent.
— Mais, nous ne comprendrons pas autre chose que leurs mê-ê-ê mê-ê-ê... dit GoyaGoya en riant.
Tu te trompes. Chaque animal possède son langage propre, aussi varié que la langue humaine. Seulement
l'oreille de l'homme ne peut en saisir les nuances et c'est pourquoi on s'imagine que le langage des animaux se limite à quelques
sons répétés. En réalité, il en est tout autrement. Je t'ai déjà dit que le cornet de cette auto était un cornoscope enchantée
qui peut reproduire non seulement tous les airs de musique, mais aussi toutes les langues humaines et le langage de tous les
animaux. Regarde cette plaque d'argent sur laquelle sont disposées des touches d'ivoire, carrées ou rondes. Elle est hexagonale
et chacun de ses côtés porte une inscription : hommes, mammifères, oiseaux, reptiles, poissons, insectes. A son tour, chaque
division a ses subdivisions qui correspondent aux différents peuples de la terre et aux différentes espèces d'animaux. Donc, si
tu veux comprendre la langue ovine, il faut appuyer d'abord sur la touche carrée « mammifères », puis sur la petite touche ronde
« mouton ». La touche noire au milieu de la plaque sert à faire cesser le langage.
« Ce cornoscope (*2) est donc un instrument très sensible. La même énergie qui transmet tes pensées à ta
langue et lui permet de les exprimer se communique par les nerfs de ta main au cornoscope et transforme le travail de ton cerveau
en sons, reproduisant exactement ceux qui correspondent à la langue que tu désires.
« Veux-tu comprendre, à ton tour, ce que disent les animaux? Tu prends l'écouteur qui est toujours
suspendu à ce petit crochet; à côté de la table des langages, et tu le portes à ton oreille. Ce n'est qu'une coquille ronde en
acier. Mais elle est construite de telle façon qu'elle décompose tous les sons émis par les animaux dans leurs plus petites
vibrations, les transforme, comme pour la T. S. F., en ondes électriques, et transforme ensuite celles-ci en des sons
nouvellement combinés qui résonnent enfin dans la langue que l'on veut obtenir. Cet écouteur, par exemple, traduit tout en
français.
« Et à présent, nous allons écouter ce que veulent dire les mê-ê-ê des brebis.
Ils marchèrent droit sur le troupeau. Lorsqu'ils virent l'auto venir sur eux, les moutons se
serrèrent encore plus fort les uns contre les autres. La trompe fut donc disposée de telle sorte qu'elle se mit à bêler comme une
véritable brebis et cria dans ce langage :
— Place! Place! Place! GoyaGoya porta l'écouteur à son oreille. Il ne perçut d'abord qu'un bêlement
monotone dominé par les aboiements sonores du chien de berger. Mais, au bout d'un instant, il commença à distinguer quelques mots
isolés :
— Quelle impudence! C'est inouï! Disait un gros mouton. Avez-vous déjà vu chose pareille?
— Vraiment! Criait un autre. Les hommes deviennent de plus en plus hardis et insolents. On n'est plus
en sûreté nulle part!
— Comment veiller maintenant sur ses petits? Geignait une grosse maman brebis. Autrefois, ils
restaient du moins sur les routes, mais voilà qu'ils pénètrent à présent dans nos pâturages. On ne peut plus jouir de la vie !
Le chien de berger aboyait :
— Qu'est-ce que vous voulez? Qui êtes-vous? L'Auto-Magique n'avançait plus qu'au pas.
— Place! Place! Criait le cornoscope !
Le troupeau la cernait maintenant de tous côtés, se refermait derrière elle. Une jeune brebis toute
blanche se mit à bêler :
— Maman, j'ai peur! j'ai peur!
— Filez ou je vous mords, hurlait le chien.
— A bas les hommes! cria un vieux bélier dans les derniers rangs. Écrasez-les! Ne cédez pas, tas de
poltrons!
— Oui, à bas les hommes! cria un autre. Défendez-vous, ne les laissez pas passer!
— Je vous mords, hurlait le chien.
GoyaGoya fut réellement pris de peur devant toutes ces têtes cornées et ces yeux menaçants. Déjà, les
plus forts béliers prenaient position. Ils raidissaient les jambes de devant, baissaient la tête, prêts à foncer sur l'intrus.
Impérieuse, le cornoscope clamait maintenant :
— Place ! Ou je vous passe sur le corps ! Sonnailler (1*), gare à toi! Le sonnailler, que l'âge et la sagesse avaient gratifié d'une longue
barbe, secoua la tête, indigné, loucha vers M. Lhazâr et, à coups de tête, poussa de côté les animaux surexcités.
— Laissez-les donc passer, camarades ! Avec une pareille canaille, ce n'est pas la peine de
s'expliquer!... A contrecœur et en grognant, le troupeau se rangea de côté. Quand l'auto fut passée, le chien la poursuivit en
aboyant.
— Paix! lui cria le cornoscope qui, en deux temps, avait été placé sur la langue canine.
— Est-ce que tu ne reconnais plus M. Lhazâr? Alors l'animal se coucha en agitant la queue humblement.
Le jeune berger assis à l'écart regardait la scène sans rien comprendre à ce qui se passait.
Le soleil avait atteint le zénith. Comme cela se produit quelquefois au printemps, il était plus
brûlant qu'à certains jours de juillet.
M. Lhazâr paraissait s'en trouver fort bien. Plus il faisait chaud, plus il brillait et plus l'auto-magique miroitait de toutes sortes de
couleurs. Mais GoyaGoya commençait à transpirer. Le sang lui montait à la tête et ses tempes battaient.
Il but encore un verre de limonade, mais ne se sentit pas mieux. On apercevait au loin une forêt
épaisse et ombragée. Le petit garçon la regardait en soupirant d'un air d'envie, mais pas un chemin n'y conduisait ni ne la
traversait.
— Tu peux traverser les forêts les plus épaisses avec ton auto sans avoir besoin de chemin, lui dit
son compagnon. Elle n'est pas aussi rigide que les voitures ordinaires, et l'on peut en changer la forme à volonté, l'étirer en
longueur ou en largeur. Entrons donc dans le bois.
A la lisière de la forêt, il fallut cependant s'arrêter afin de redonner au tracteur à chenille sa
forme antérieure. L'opération fut exécutée de nouveau à l'aide du levier.
Puis la deuxième transformation commença. Les sièges se déplacèrent de façon à se trouver l'un
derrière l'autre. On étira la voiture pour qu'elle ne s'accroche pas aux arbres. Pour cela, M. Lhazâr mit en mouvement toutes
sortes de mécanismes. L'auto frémit légèrement, s'allongea et devint presque aussi étroite que les sièges. Cette fois, elle
ressemblait vraiment à un grand lézard avec sa longue queue à l'arrière, tandis qu'à l'avant, le radiateur figurait une tête
étroite et plate. Ils entrèrent dans la forêt. M. Lhazâr conduisait si habilement que l'auto se glissa entre les troncs d'arbres
comme un serpent et sans ralentir un seul instant.
Arrivés au milieu d'une clairière, ils décidèrent de se reposer et de déjeuner. Il était midi.
Dans la fraîcheur de la forêt, GoyaGoya avait repris des forces. Il trouva délicieux le poulet rôti
que l'auto leur fournit. Comme dessert, il commanda de la glace à la vanille avec des biscuits à la cuiller et but ensuite une
orangeade. Puis il s'étendit de tout son long dans l'herbe et contempla le ciel bleu. Il aurait fait volontiers une petite
sieste, mais son compagnon donna le signal du départ.
— Nous n'avons pas de temps à perdre, dit-il, car il te reste beaucoup à apprendre.
Ils remontèrent donc en auto et furent en quelques minutes hors de la forêt. Sur la route, la voiture
reprit son ancienne forme.
À mesure qu'ils avançaient, GoyaGoya découvrait ainsi les merveilleuses qualités de l'Auto-Magique.
Rien ne lui était impossible. Il suffisait d'être familiarisé avec le système compliqué et perfectionné de leviers et
d'interrupteurs. Il fallait aussi prendre garde à ne pas manœuvrer à faux, car on pouvait avoir les pires surprises. Une fois,
GoyaGoya voulut sauter par-dessus un troupeau d'oies. Il se trompa et un énorme jet d'eau, jailli du radiateur, mit en fuite les
animaux effarés. Une autre fois, il mania le levier si maladroitement que l'auto exécuta de véritables sauts de chèvre.
GoyaGoya apprit aussi que sa voiture possédait un blindage extérieur qui la mettait à l'abri des
balles et aussi qu'elle pouvait changer de couleur à volonté pour se confondre avec son entourage. Elle devenait verte comme la
prairie, rouge comme un champ de coquelicots, jaune comme le sable ou grise comme la route. Il suffisait de placer l'aiguille sur
la couleur correspondante du tableau des couleurs. Mais GoyaGoya, ayant voulu en faire l'essai afin de traverser un village sans
être aperçu, il se trompa encore. L'auto se revêtit d'un bleu resplendissant et apparut, au milieu du village, semblable à un
bluet géant. Les enfants lui jetèrent des pierres et ne furent pas peu déconcertés lorsque celles-ci leur revinrent sans avoir
atteint la voiture.
Un instant après, ils s'écartèrent de la grande route et roulèrent sur une autre plus étroite. Au
loin, une rivière scintillait comme un ruban d'argent. Au grand étonnement de GoyaGoya, son professeur lui dit de marcher droit
sur elle.
— Voulez-vous longer la rivière? Demanda-t-il.
— Non, nous allons passer de l'autre côté.
— Mais il n'y a pas de pont...
— Ce n'est pas nécessaire. Nous la traverserons à la nage.
Aussitôt qu'ils furent arrivés au bord de la rivière, M. Lhazâr mit en marche un mécanisme invisible.
A droite et à gauche de la voiture surgirent des plaques d'acier. Elles étaient bombées comme la quille d'un navire et restaient,
telles deux moitiés de bateau séparées, suspendues de chaque côté. Le levier sortit encore une fois du fond de l'auto, la voiture
fut soulevée à cinquante centimètres au-dessus du sol et les roues se replièrent sous elle. Elle s'abaissa lentement et le levier
disparut automatiquement à l'intérieur. L'auto-Magique reposait maintenant sur l'herbe comme dans un bateau.
Comment penses-tu que nous arriverons jusqu'à la rivière? demanda M. Lhazâr. GoyaGoya le regarda
malicieusement.
— Si nous n'attelons pas devant notre bateau une paire de bœufs, il nous faudra le pousser nous-mêmes,
répondit-il.
— Eh bien! regarde quelle espèce de bœufs je vais y atteler.
Il s'affaira encore une fois autour du tableau.
Bientôt apparurent à l'avant et à l'arrière du bateau des roues dentées pourvues de crochets bizarres
qui s'enfoncèrent dans la terre et qui, actionnées par le moteur, poussèrent à chaque tour de roues la lourde machine en avant.
Elle descendit ainsi la pente de la rivière et fut remorquée dans l'eau. Aussitôt qu'elle commença à flotter, les roues dentées
disparurent.
L'auto-Magique s'était donc métamorphosée en une sorte de canot automobile. M. Lhazâr apprit ainsi au
petit garçon que s'il allait un jour sur mer, il pourrait revêtir facilement sa voiture d'une carapace blindée et la transformer
en sous-marin. Il pourrait plonger jusqu'au fond de la mer et rester sous l'eau aussi longtemps qu'il le voudrait. Car, de même
que des vivres, l'auto pouvait lui fournir de l'oxygène en quantité suffisante.
Tout en bavardant, ils naviguaient sur le fleuve, jouissant du calme qui régnait sur la campagne
environnante. Mais le temps passait et l'on se dirigea vers l'autre rive. GoyaGoya regarda la chaîne de montagnes qui se dressait
à l'horizon et demanda s'il était possible de grimper des montagnes escarpées avec leur auto :
— Certainement, lui fut-il répondu. Nous allons l'essayer tout de suite. Il est déjà tard et la
distance est assez grande. Mais si nous donnons suffisamment de gaz, nous y parviendrons avant le coucher du soleil.
Les roues dentées reparurent, le « canot automobile » regrimpa lentement sur la rive opposée et se
posa ruisselant sur le sable. Tout à coup GoyaGoya sursauta. En appuyant sur un bouton électrique, M. Lhazâr avait produit un
courant d'air chaud qui soufflait en tempête autour de l'appareil. En quelques instants les planches du bateau furent sèches. Le
levier entra en action, les parois du canot rentrèrent, les roues reprirent leur ancienne position et l'auto s'abaissa sur le
sol. Alors, ils filèrent comme le vent à la même allure que le matin. L'air sifflait aux oreilles du petit garçon, il avait la
respiration coupée. Il ne se sentait pas de joie!
Une demi-heure après, ils étaient au pied de la montagne. Ils prirent d'abord de la hauteur comme en
se jouant. Mais quand la côte devint plus raide, un mécanisme spécial poussa la voiture en l'air à l'aide de crochets et de
grappins. Les parois de rochers les plus lisses n'étaient pas un obstacle pour eux. Dans ce cas, des ventouses en caoutchouc
venaient à leur aide. Semblables aux pattes d'une chenille géante, elles se portaient en avant, aspiraient fortement le sol et se
détachaient l'une après l'autre de la surface lisse. C'est ainsi que l'étrange auto grimpa jusqu'au sommet.
Par, instants, elle se trouvait suspendue presque verticalement au-dessus de la terre et les
occupants ne pouvaient se maintenir assis que par, le changement de position automatique des sièges qui suivaient l'inclinaison
de la voiture. Quand GoyaGoya regarda en bas, il eut le vertige; son regard plongeait dans des ravins et des précipices, glissait
sur des pentes abruptes et des rochers.
Il craignait sans cesse que l'auto, perdant son point d'appui, ne fût précipitée dans l'abîme et
brisée en mille morceaux. Mais, à côté de lui, M. Lhazâr restait très calme et ne paraissait pas ressentir la moindre émotion.
Parvenus au sommet, ils s'arrêtèrent un instant. GoyaGoya, délivré de toute crainte, put enfin jouir
du magnifique paysage. Jamais il n'avait rien vu d'aussi beau. Des chaînes de montagnes à perte de vue... On eût dit les vagues
pétrifiées d'une mer enchantée. Et quand le soleil couchant colora de rosé toutes les cimes, son cœur battit d'enthousiasme.
C'est alors que GoyaGoya vécut quelque chose de merveilleux. M. Lhazâr mit en mouvement le plus grand
groupe de leviers et de manivelles, procéda à des embrayages et des débrayages. Des ailes d'avions géantes se déployèrent
lentement de chaque côté de la voiture; des hélices dissimulées à l'avant du moteur se mirent à tourner, un appareil de gouverne
grandi à la pointe arrière. Le moteur se remit en marche et cette merveille de technique s'éleva majestueusement dans les airs,
montant de plus en plus haut et planant, avec un léger murmure, sur la paix du soir...
Le soleil s'abaissait à l'horizon comme un globe incandescent...
C'est donc par les airs qu'ils prirent le chemin du retour. GoyaGoya allait d'étonnement en
étonnement. Que la terre est étrange, vue de si haut! Comme les maisons sont petites, les rues longues et étroites, les hommes et
les animaux minuscules! Les champs semblent un damier aux dessins inégaux. Les collines, vues ainsi en raccourci, paraissent
aussi plates que les plaines elles-mêmes. On ne distingue plus les troncs des arbres, leurs cimes ont l'air de mousse frisée ou
de buissons écrasés sur le sol. Là-bas, sur la mer encastrée dans une plage de sable et qui ressemble à une glace aux contours
irréguliers, des barques glissent, telles des insectes dont les pattes seraient figurées par les rames. Comme des mille-pattes s'écria GoyaGoya.
Il ne se lassait pas de contempler le spectacle que lui offrait la terre.
Il faisait presque nuit lorsqu'ils atterrirent près de la ville en un beau vol plané. L'avion fut
aussitôt retransformé en auto.
Avant de nous séparer, dit alors M. Lhazâr, je veux te donner encore quelques explications. Tu t'es
certainement étonné que l'Auto-Magique puisse contenir tant de lourdes plaques de fer, tout un bateau, des ailes géantes, des
ressorts et des appareils à leviers, sans parler de son propre moteur électrique et de tout le mécanisme habituel d'une auto. Et avec cela,
de l'eau, des vivres, etc.
Voilà ! La matière première dont est faite cette machine a la propriété de se transformer à volonté
en n'importe quelle substance.
C'est un fluide impondérable qui peut cependant adopter la consistance d'une plaque d'acier aussi
bien que la porosité du bois, de même qu'il peut devenir liquide ou gazeux.
Tout dépend de la manière de combiner les parties microscopiques dont elle se compose et qui
s'appellent des molécules, des atomes et des électrons. Cela se produit au moyen d'une énergie accumulée à l'intérieur de l'auto
et qui concentre les atomes selon les besoins, les distend ou les disloque. Un mécanisme très finement fait de la même matière et
approprié aux usages auxquels on le destine donne instantanément à la substance ainsi obtenue la forme nécessaire. De cette façon
s'obtiennent les planches du bateau, les ventouses en caoutchouc, la limonade, les côtelettes de mouton, etc... Tout cela sort de
l'auto. Et quand tu vois disparaître dans ses profondeurs le bateau et l'avion, il ne se produit pas autre chose que ce simple
phénomène: la matière avec laquelle chaque objet était fait est revenue à son état primitif. D'ailleurs, tout se passe de même
dans la nature, mais celle-ci travaille plus lentement.
« Tu comprendras donc que ton Auto-Magique n'ait pas besoin de garage, car elle peut devenir
invisible en passant à l'état gazeux. Elle conserve cependant sa structure intérieure et extérieure, toutes les pièces qui la
composent étant reliées ensemble dans leur état actuel par une grande force d'attraction. Imagine-toi que c'est un nuage qui a la
forme d'une auto. Mais cette image est si allongée que l'œil humain ne peut la saisir. On peut même passer au travers sans s'en
apercevoir.
« Vois-tu cette serrure qui est adaptée au côté droit de l'auto, juste derrière le capot?
C'est la seule partie solide de la voiture. Pour faire passer celle-ci à l'état gazeux, il faut
prendre la serrure entre le pouce et l'index afin que, par la suite, elle ne tombe à terre. Tu appuies sur le bouton doré placé
sur le petit trou de la serrure et l'auto disparaît. Tu ne gardes alors que la serrure.
« Pour redonner à l'Auto-Magique sa forme palpable, on a besoin d'une clef. Mais aucune clef
ordinaire, même si elle tourne dans la serrure, ne pourrait te rendre ton auto. Seule, cette clef enchantée, que je te donne,
peut faire passer ta voiture de l'état gazeux à l'état solide. C'est par une pression sur le bouton que tu as ouvert la serrure.
Eh bien! C’est en faisant un tour de cette clef dans la serrure qu'en se refermant elle remet l'auto à ta disposition. Il faut
seulement faire attention, en faisant marcher le ressort, de tenir la serrure exactement entre les deux doigts comme en
l'ouvrant. Sinon tu recevrais un choc très douloureux dans la main.
« II va sans dire que tu ne devras jamais perdre ni la serrure ni la clef, sinon tu ne reverrais plus
ta voiture.
En même temps, il remit à GoyaGoya une petite clef plate, qui ne se distinguait des autres que par sa
forme recourbée.
Et maintenant, je vais me séparer de toi, dit-il. Si tu es un jour dans l'embarras, il te suffira
d'adapter le cornoscope de l'auto sur hasard et je serai là. Mais n'oublie pas d'y ajouter le signe en morse S. 0. S. Si tu ne le
fais pas, tu verras tout juste accourir quelques lézards qui se promènent dans le voisinage. Adieu, mon ami!
GoyaGoya aurait voulu le questionner encore ou tout au moins le remercier, mais la place était déjà
vide : son compagnon avait disparu. Alors son regard tomba sur un gros tas de pierres où un petit lézard aux couleurs brillantes
le regardait de ses yeux verts et, à ce qu'il lui sembla, ironiquement. Celui-ci fit entendre un léger sifflement, comme pour lui
adresser un dernier adieu. Puis il se glissa sous terre. GoyaGoya pensa trop tard qu'il aurait pu prendre le cornoscope afin de
le comprendre. Il n’était pas encore bien familiarisé avec le maniement de son Auto-Magique.
Il éprouva quelque angoisse en se retrouvant seul assis dans sa voiture qui s'éclairait de la lumière
rosée d'un magnifique coucher de soleil. C'est à peine s'il osa en descendre. Soucieux, il s'assura d'abord que la clef était
toujours dans sa poche. Puis il descendit en hésitant, ferma la portière derrière lui, saisit la serrure de la main gauche et
pressa avec l'index de la droite sur le bouton doré. A l'instant l'auto disparut. Entre le pouce et l'index, il tenait une petite
serrure qui ne se distinguait de ses sœurs que par un petit bouton doré placé sur le trou. GoyaGoya la retourna pensivement dans
sa main, la mit dans ma poche, la ressortit. C'était une étrange impression que de savoir que l'auto était maintenant suspendue,
invisible, à cette serrure et qu'ainsi il la traînait partout avec lui et tout le temps qu'il portait la serrure.
Mais non, il ne voulait pas garder celle-ci sur lui. Il pourrait la perdre trop facilement ou
l'abîmer. Et puis sa mère avait l'habitude de retirer tous les objets lourds de ses poches, parce que cela les déchirait. Il
reconnut, cette fois, qu'elle avait raison. Si sa poche se perçait sans qu'il s'en aperçût, la serrure et l'auto seraient perdues
pour toujours.
Il préféra donc cacher la serrure sous le tas de pierres. Là, elle serait en sûreté. Il souleva
quelques pierres et la plaça dessous. Cela lui parut aussi important que s'il enterrait un trésor.
Enfin, il s'en retourna chez lui en courant...
Hiver 1963, La cloche de l'école retentit, c'est la fin de la récréation !
Imaginez, mon désespoir lorsque je fus obligé de refermer ce livre fantastique sur ce premier chapitre et allez
le remettre dans la vielle armoire encastrée dans le mur au fond de la classe sans savoir s'il allait retrouver la
serrure magique et si cela allait fonctionner ?
Durant les mois et les années qui suivirent j'avais beau aller à l'armoire, le livre
magique n'y était plus. Beaucoup, plus tard au cours moyen 2ème années le hasard m'a remis dans les mains ce qui restait de ce
livre du début du siècle dernier (il n'y avait plus le début et donc le titre de l'ouvrage) et je pus lire presque entièrement ce
livre avec une vision moins enfantine juste avant de rentrer en 6ème au collège, mais il manquait beaucoup de pages et je suis donc resté sur ma
faim.
Il va donc vous falloir attendre pour connaitre la suite que je vous raconte comment il m’a fallu presque 20 ans pour
retrouver le manuscrit complet de ce livre après une quête incessante qui a commencé lorsqu'avec ma future épouse nous nous
promenions sur les bords de Saône chez les bouquinistes. C'est un flash qui m'est revenu sur ce livre en farfouillant dans des
caisses de vieux livres et depuis cet instant je ne souhaitais qu'une chose le retrouver à tout prix.
La seule information que j'avais à ma disposition était "Auto Magique", pas de nom d'auteur, pas de nom
d'éditeur, pas d'année de sortie, pas de souvenir de couverture puisqu'elle n'était plus là, bref un jeu de piste incroyable qui m'a fait traverser la France, visiter toutes les libraires
spécialisées en livres anciens que la France puisse connaître et poser la sempiternelle question " je cherche un livre
ancien qui
possède le terme auto magique dans son titre".
J'ai essuyé des milliers de non, je connais pas, jamais entendu parlé. J'ai passé des
heures à parcourir les tranches de livres dans des rayonnages pour lire leur titre. Puis un jour sur Paris, un libraire
spécialisé dans le livre ancien de luxe me fourni une première piste c'est probablement dans la collection "Bibliothèque Merveilleuse" Je n'ai pas ce livre, mais je sais qu'il existe avec ce titre car il est cité dans la liste des ouvrages
composants cette merveilleuse Série pour enfants absolument rare à dénicher en bon état. Ils ont été épuisés par usure jusqu'à à la corde par
ceux qui les ont dévoré durant un demi-siècle dans leur lit avant de s'endormir dessus !
Grâce à cette première trace, j'ai pu retrouver, le nom de l'éditeur "Denoël et Steele" , de l'auteur Italien (Gabrielli
et Striem) et le nom
de la traductrice Française une certaine Mademoiselle G. Chatenet.
Je vous passe mes multiples tentatives pour tenter rue Richelieu d'accéder au Saint Graal "de la
Bibliothèque de France" avant la
construction de la nouvelle bibliothèque sur les bords de seine, pour aller quémander le droit à faire sortir cet ouvrage. Si
vous n'étiez pas chercheur dans les années 80 et 90 vous étiez prié de passer votre chemin. En plus pour un livre pour enfant,
vous voulez rire...
Ayant eu la chance de découvrir l'Internet depuis sa genèse et le lancement du protocole http à
l'origine de l'explosion du World Wide Web, j'ai exprimé à maintes reprises dans les premiers forums de discussion "les news
group" ma recherche. Cette quête ne m'a jamais permis d'être contacté par quelqu'un en possession de cet ouvrage.
Il y a eu à ce sujet, une anecdote croustillante sur de l'Auto-Magique c'était lors du
lancement mondial du moteur de recherche AltaVista de feu Digital Equipment (Google était loin d'être né à l'époque). Invité pour l'avant-première en janvier 1996, l'orateur demande à la
salle si quelqu'un à quelque chose de particulier et d'original à demander qui pourrait servir de démonstration pour découvrir
la capacité incroyable de ce moteur de recherche.
Évidement, j'ai immédiatement levé la main, et crier de l'autre bout de la Salle, oui vous pouvez
m'aider ! en cherchant l'expression "Auto Magique".
En quelques secondes sur l'écran géant s'affichent projeté par un immense Barco couleur tous mes
textes de mes recherches successives posées dans les forums. Mon nom s'affiche en clair et en géant et toute la salle découvre
avec surprise que je suis à la recherche de ce livre au titre à la fois simple et bizarre.
Ce fut évidemment un choc formateur pour moi sur les dangers potentiels du web. Une expression
composée de deux mots finalement très communs "auto" et "magique" ne répondait en janvier 1996 que sur mon Nom
propre dans le monde entier.
Bref, c'est encore raté pour retrouver ce livre.
On retrouve encore dans Google mais plus dans Altavista des traces de mes demandes
exprimées en 1995! Une époque "priusstorique" pour l'Internet si j'ose dire... La vitesse exponentielle de l'accélération du
développement la technologie est bien là !
Les progrès de la technologie aidant, c'est finalement le service internet de la Bibliothèque de
France qui a accepté de me vendre un fac-similé du bien mystérieux livre au prix de 251 photocopies. C'était bien avant la
numérisation. Ce service m'a redemandé plusieurs fois, vous êtes bien sure de vouloir payer 251 photocopies (sous entendu c'est
bien cher pour ce type de bouquin) ??!!!
Imaginer mon émotion, lorsque 35 ans après le facteur m'apporte une grosse enveloppe papier kraft qui
contient les photocopies intégrales du contenu de ce livre...