La genèse de l'Auto-Magique, premières influences dès 1920
Ou comment, l'histoire d'un livre lu à 7 ans peut bouleverser une vie et chambouler
l'histoire de
l'industrie automobile...
Un conte devenu réalité, dévoilé pour les fêtes de Noël " Joyeux
Noël écologique "
Version spéciale du conte prête à imprimer
même avec IE6 pour son livre de chevet!
Nous
voilà repartit dans des temps très anciens ou la machine à vapeur avait toute sa place ainsi que les premières
voitures à pétrole qui côtoyaient encore les chars à bœufs et les fiacres très majoritaires dans les rues.
À cette époque deux italiens de la veine de "Jules
Verne" et de ses machines fantastiques à faire rêver ont écrit un conte pour enfant. Une demoiselle française
l'a traduit de l'italien pour permettre sa publication merveilleuse en France en 1933.
30 ans plus tard, moi j'avais 7 ans, j'étais déjà un
gone un peu bizarre, ma grand-mère m'emmenait tous les jeudi soir à la gare des Brotteaux (la vieille gare) pour
aller voir les locomotives à vapeur et les premières loco électriques "BB". À force de voir ce petit garçon et
sa grand-mère sur les quais en tête de train, les conducteurs de locomotives à la gare des Brotteaux on finit
par nous repérer et cela m'a valu de monter dans la cabine de conduite de ces monstres d'acier! Puis on allait
voir l'immense train miniature de la gare des Brotteaux "devenu mythique" puisqu'il a été détruit. Cette même
grand-mère m'emmenait en cachette chez des grossistes industriels de composants électroniques pour acheter un
transistor "le composant" AC-126
ou AF-116 ou encore une diode OA-81 de chez Philips tout cela ne pouvait qu'éveiller une curiosité insatiable
pour les sciences techniques. Le coffret EE8 et EE16 Philips y est aussi pour quelque chose, comme d'ailleurs
cela été mentionné dans leur petit livret. "Attention" ce coffret peut changer votre destiné...
A 7
ans, j'allais aussi à la vieille école primaire de la place Sathonay à Lyon, et comme la cour de récréation
c'était la place Sathonay elle-même, le maître d'école nous gardait parfois en classe les jours de pluie et nous
permettait d'aller ouvrir au fond de la classe "le placard". Ce placard était encastré dans le gros de mur qui
séparait les classes communes du cours élémentaire avec les 2 classes des grands du cours moyen.
À l’époque, il y avait encore
des encriers sur les bureaux en pente. Une encre violette que l'on fabriquait et jetant quelques cristaux
mystérieux au fond de l'encrier que l'on complétait avec de l'eau du robinet. J'avais horreur d'écrire
"déjà à l'époque", les plumes
Sergent-Major trop molles qui s'écartaient bien trop en faisant de grosses taches sur le cahier de brouillon
en papier recyclé pas très lisse et un peu buvard ce qui avait le don de m'exaspérer. Bref, l'école déjà à
l'époque m'ennuyait car elle ne m'apprenait rien sur les sciences techniques.
Au fond, de l'impasse que vous voyez sur la photo,
il y avait encore en 1963, le centre de distribution des limonadiers de Lyon. Les livraisons de vin, bière et
autres sodas Orange et sodas Citron ainsi que les pains de glace des glacière de Paris étaient effectuées dans
les bistros avec des camions électriques SOVEL bardés de part et d'autre du châssis de deux très grosses
batteries au plomb. On n'arrête pas le progrès qu'ils disent...
Un jour, lors d'une récré pluvieuse je fut autorisé
à aller ouvrir "le fameux placard" pour y choisir un objet de distraction. Tout au fond, contre la vielle
tapisserie marron je découvre un vieux livre coincé serré dans une rangée de livres anciens, Il avait sa
couverture arrachée, sur la première page on pouvait encore lire le titre "L'Auto-Magique".
Je me mets sagement à ma place et je commence la
lecture de ce petit livre... les conséquences imprévisibles en furent apocalyptiques pour certains grands
patrons de l'industrie de nos jours...
Ce livre reste introuvable à ce jour, aussi en
voici, une réinterprétation de ma part pour petit et grand pour vous permettre de passer dans la 5ème dimension
"la seule qui permette d'avancer " en s'affranchissant des blocages de l'imagination et du temps.
Chapitre 1 - GoyaGoya fait un
voyage merveilleux
Il est tard, l'heure de l'école approche. GoyaGoya
dégringole les escaliers quatre à quatre. Il a entendu sonner depuis longtemps le coup de trois quarts et, en
passant devant l'église, il s'aperçoit que la grande aiguille marque huit heures moins cinq. Il allonge le pas,
fouillant anxieusement les rues du regard pour découvrir un tram ou un autobus. Mais, autour de lui, c'est le
vide complet.
« Cette fois, je vais être en retard, pense-t-il, et
j'aurais une heure de retenue. Et les vacances qui commencent aujourd'hui! »
Perdre une grande heure de ces précieuses "vacances
de Noël", c'est dur!
GoyaGoya se met à courir. Allons vite! Plus vite!
Peut-être arrivera-t-il encore à temps!
Peut-être le maître d'école sera-t-il lui-même en
retard... Il aurait voulu avoir des ailes! Son cœur battait et il fut bientôt hors d'haleine. Cahiers, livres,
crayons cliquetaient dans son sac.
Son rêve de la nuit lui revint tout à coup à
l'esprit. Pour sa fête, on lui avait donné une petite auto et il avait roulé des heures et des heures sans
arrêt. Quoi d'étonnant à ce qu'il se fût réveillé en retard?
— Ah! S'écria GoyaGoya en soupirant, si j'avais
seulement une auto! Et voilà que GoyaGoya venait de formuler ce souhait en une heure
enchantée.
Une heure enchantée
n'est pas une heure ordinaire !
Elle ne dure qu'un instant et ne se présente qu'une
seule fois dans la vie d'un homme. Ce que l'on souhaite à ce moment-là s'accomplit toujours.
Malheureusement, les hommes ne savent jamais quand
sonne leur heure enchantée et la plupart d'entre eux la laissent passer sans y prendre garde, en ne souhaitant
rien. D'autres disent : « Ah! J'ai une soif! Je boirais bien un verre d'eau!» Ou bien : « Que j'ai faim! Si
j'avais un petit morceau de chocolat! » Et ils obtiennent leur verre d'eau et leur chocolat, pas davantage !
D'autres ont encore plus de déveine : « Ça me pique dans le nez ! Où est donc ce maudit mouchoir? S'il était
dans ma poche... » Ils trouvent en effet le mouchoir dans leur poche, ne se doutant pas du tout qu'une minute
auparavant il n'y était pas. Puis ils éternuent, se mouchent, et c'est tout ce qu'ils retirent de leur heure
enchantée qui ne dure qu'un instant!
GoyaGoya avait donc désiré une auto. Juste au moment
où il formulait ce vœu, une auto flambant neuve s'approche de lui et stoppe exactement à l'endroit où il s'est
arrêté pour reprendre haleine.
Bonjour, dit l'homme assis au volant. Monte vite, tu
n'as plus qu'une minute.
Avant que le petit garçon soit revenu de sa
surprise, il se trouve dans l'auto qui se lance à une vitesse folle. Les rues, les hommes, les maisons, tout
danse devant ses yeux. Est-ce un rêve? Est-ce la réalité? Ne viennent-ils pas de passer sous le nez d'un agent?
Pas le temps de réfléchir à tout cela! A l'école! Vite à l'école! Le voilà déjà arrivé; l'auto s'est arrêtée
devant la porte!
GoyaGoya saute de la voiture, oublie de remercier,
se faufile juste à temps dans la classe au moment où le professeur y entre. Il s'assit sur son banc, tout
abasourdi et dans une grande surexcitation Quelle singulière auto! Comment était-elle faite? Il n'avait pas très
bien regardé.
Et comme elle filait! Qui pouvait bien être le brave
homme qui la conduisait? Lui non plus, il ne l'avait pas regardé. Était-il blond, brun, grand, petit?
Heureusement que c'est aujourd'hui le dernier jour de classe, car GoyaGoya est très distrait et ne pense qu'à
l'auto.
Enfin la cloche sonne! Vite, dehors! Si l'auto était
encore là...
Beaucoup de voitures stationnent sur la place.
GoyaGoya les passe en revue. Il ne se rappelle plus la couleur de la voiture ni la tête du chauffeur. Il sait
seulement que c'est une marque inconnue de lui. Ce n'est ni une Citroën, ni une Renault ou alors peut être un
projet secret, ni une Ford, ni une Mathis... Et la forme? Allongée comme un poisson, lui a-t-il semblé...
La voilà, arrêtée devant une porte cochère! Ce ne
peut être qu'elle! Rayée de gris clair, étroite et allongée, elle ressemble vraiment à un poisson. Ou encore à
un dirigeable... Mais elle n'est pas vernie comme les autres autos.
Elle est comme revêtue d'une cuirasse blindée.
Le chauffeur aussi est étrange : long et maigre,
coiffé d'une casquette plate et portant de grosses lunettes. Son visage et ses vêtements sont de la même couleur
indéfinissable, d'un gris transparent mêlé de vert. A l'ombre... Mais quand le soleil s'échappe des nuages et
envoie l'un de ses rayons sur la grande porte sombre, l'aspect de l'homme change. Il brille subitement de toutes
les couleurs de l'arc-en-ciel.
GoyaGoya hésite avant de lui adresser la parole : «
Je vais le remercier, pense-t-il, la politesse l'exige. »
Derrière ses verres, le conducteur regarde
amicalement le petit garçon, lorsque celui-ci s'approche de lui.
Quant à GoyaGoya, son discours s'arrête presque dans
sa gorge. Il bredouille quelques mots... C'est que cet homme ne ressemble pas du tout aux autres hommes. Quel
large bouche fendue en croissant de lune! Et ce nez plat, ce corps si mince, ce dos courbé, ces bras maigres et
courts...
— Monte, dit enfin le personnage. Je m'appelle
Monsieur Lhazâr. Je veux t'apprendre à la conduire.
GoyaGoya a un peu peur, mais il n'ose le montrer.
Est-ce qu'on laisse échapper une si belle occasion? Ce serait vraiment ridicule! Bravement, il s'assied à la
place du chauffeur.
L'intérieur de la voiture est aussi bizarre que son
extérieur. On y voit des interrupteurs et des leviers, des manivelles, des plaques de cuivre rondes ou carrées,
des aiguilles et des anneaux, des roues, des vis, des manettes et des boutons, des cornets acoustiques et des
écouteurs, des compas et des cadrans. Le tableau de commande tout entier est recouvert de toutes sortes
d'appareils, d'une quantité d'inscriptions et de chiffres. Tout cela donne le vertige.
— Déboucle ton sac, dit M. Lhazâr, nous allons le
déposer chez toi en passant. Et maintenant, regarde un peu, mon jeune ami!
Il lui montre alors comment on doit embrayer et
débrayer et lui explique en gros pourquoi la machine est ainsi construite. C'est un bon professeur et GoyaGoya
comprend plus vite qu'il ne s'y attendait.
Légère et silencieuse, l'auto glisse sur l'asphalte.
Pas aussi vite que le matin, mais cependant à une allure qui laisse bien loin en arrière les autres voitures.
Devant eux, roule une Rolls Royce. Le chauffeur a l'air pressé. Il klaxonne sans interruption et double tous les
autres véhicules. Une pression sur le levier : GoyaGoya part comme une flèche, dépasse si rapidement la Rolls
Royce que le chauffeur, effaré, se retourne brusquement. GoyaGoya manie le volant aussi facilement qu'un jouet.
Comme ça marche bien dans les tournants dangereux! L'auto lui paraît flexible et souple comme un être vivant.
Ils atteignent la rue où demeure GoyaGoya :
—Suspends ton sac à ce crochet, dit M. Lhazâr. Dans
quelle maison et à quel étage habites-tu?
—Numéro 10, au troisième.
—Bon. Essaye de calculer la distance entre la
fenêtre de ta chambre et le sol ; cela doit bien faire douze mètres. Pousse ce verrou jusqu'au trait qui désigne
le nombre de mètres désiré. À présent, appuie sur le bouton...
Au moment où ils passent devant la maison, une
petite grue, invisible auparavant, rebondit en l'air, étroite et élastique, à l'endroit où le crochet est placé,
jette le sac par la fenêtre ouverte de la chambre de GoyaGoya et revient en arrière, semblable à un ressort
d'acier, pour disparaître à l'intérieur de la voiture. GoyaGoya reste bouche bée : « Ce doit être une nouvelle
invention », pense-t-il.
Les voici hors de la ville. GoyaGoya appuie sur le
bouton et écoute, émerveillé, le son mélodieux du cornoscope (2).
— C'est un cornoscope, un cornet bien spécial, lui
explique son compagnon. Elle peut jouer des mélodies entières et imiter tous les instruments de musique.
Elle peut aussi rugir comme un lion, claqueter comme
une cigogne et rendre le langage de tous les animaux. Cela, je te le montrerai une autre fois. Mais
arrêtons-nous. Il était temps! Et il serre les freins. L'auto s'arrête instantanément. Elle vibre légèrement,
mais sans choc appréciable.
GoyaGoya se demandait le motif de cette halte, quand
il aperçut au milieu de la route un petit poussin qui picorait tranquillement des grains d'avoine.
Il ne faut jamais faire de mal aux animaux, dit M.
Lhazâr, en faisant envoler le poussin. Chaque fois que tu vois un animal en détresse, ton devoir est de le
secourir. Car, toi aussi, tu as besoin des animaux.
Tout service rendu doit être payé de retour. C'est
une affaire d'honneur. Du reste tu n'as pas toujours besoin de t'arrêter devant de si petits obstacles, tu peux
simplement sauter par-dessus. Une légère pression sur ce levier et, à l'aide de ressorts, la voiture s'élève
dans les airs. Tu règles la hauteur du saut en appuyant plus ou moins fortement
Tiens, nous allons l'essayer tout de suite! Vois-tu
l'attelage de ce paysan, devant nous? Il roule juste au milieu de la chaussée. Nous allons voir s'il nous laisse
passer.!.
Ils repartent et GoyaGoya commence à klaxonner. Mais
le paysan ne bouge pas.
Il continue d'aller nonchalamment au trot de son
petit cheval, en allumant sa pipe. Comme beaucoup de paysans bornés, il détestait les autos.
Il se faisait un malin plaisir d'irriter les
conducteurs et ne manquait pas une occasion de leur jouer un vilain tour.
C'est ainsi qu'à ce moment il riait sous cape et se
disait intérieurement:
Même s'il y avait la place, je ne te laisserais pas
passer, espèce d'idiot! Il regardait en même temps si aucun gendarme ne se trouvait dans le voisinage.
—En avant, GoyaGoya, appuie sur le levier!
Et de toutes tes forces !
Hop! La voiture bondit par-dessus l'attelage et
continua de rouler de l'autre côté. M. Lhazâr appuya sur une pédale : C'est le soufflet. Pour le punir, je lui
ai envoyé une bonne bouffée de poussière dans la figure.
GoyaGoya ne put s'empêcher de rire.
Quant au paysan, comme il écarquillait la bouche et
les yeux de stupéfaction, il avala une grande quantité de poussière, éternua, toussa, ne sachant ce qui lui
arrivait. En même temps, son cheval s'emporta et l'attelage tomba dans le fossé. Le paysan fut projeté hors de
la voiture et avec lui tous les légumes qu'il portait au marché. Par bonheur, il ne s'était rien cassé. Il se
retrouva bientôt sur ses jambes. Lorsque le nuage de poussière se fut dissipé, il vit disparaître au tournant
l'auto mystérieuse qui scintillait dans le soleil comme de la nacre. Geignant et grognant, il retira sa voiture
du fossé et ramassa ses légumes.
Pendant ce temps, la chaleur avait augmenté et
GoyaGoya sentit la soif le gagner.
Veux-tu boire quelque chose? lui demanda M. Lhazâr
qui semblait deviner toutes ses pensées. Nous allons nous reposer à l'ombre de ce grand arbre. C'était certes
très agréable d'échapper pour quelques instants aux rayons brûlants du soleil. Mais quel dommage qu'aucune
source ne se trouvât dans le voisinage! M. Lhazâr aurait-il eu soin de dissimuler une bonne bouteille dans sa
voiture? Pourtant, il ne faisait pas mine de dénicher ni bouteille ni panier de provisions. Il s'affairait
plutôt autour du tableau de commande sur lequel se trouvait un autre petit tableau blanc vertical parsemé
d'innombrables petits trous serrés les uns contre les autres. Chacun de ces trous était surmonté d'inscriptions
minuscules formant une carte de restaurant complète : à gauche, les boissons; à droite, les aliments.
Pour se procurer quelque chose, on tirait l'une des
chevilles placées en haut du tableau de commande, on l'enfonçait dans l'ouverture correspondante et l'on
recevait ce qu'on avait désiré. GoyaGoya, qui aimait beaucoup la limonade, enfonça une cheville dans l'ouverture
au-dessus de laquelle était écrit « limonade ». Tout autour se trouvaient de plus petites ouvertures portant les
mots de : citron, framboise, orange, etc... Celles-ci fonctionnaient à l'aide de toutes petites chevilles.
A gauche du tableau, un robinet en cuivre relié au
réservoir d'essence par de mystérieux tuyaux, distribuait la boisson souhaitée. Lorsque GoyaGoya eut enfoncé une
grande et une petite cheville, il voulut tourner le robinet, mais M. Lhazâr l'arrêta :
— Voyons, tu n'as pas de verre! S'écria-t-il.
GoyaGoya fit une grimace désappointée. Il mourait de
soif et voilà que, faute de verre, il ne pourrait se désaltérer! Mais il n'existait sans doute rien que l'auto
ne pût fournir. Sur une plaque ronde en argent portant l'inscription « vaisselle » tournait une aiguille
entourée elle-même d'autres aiguilles très fines et d'une quantité de petites inscriptions.
GoyaGoya plaça la grande aiguille sur le mot «
récipients » et l'une des petites sur le mot « gobelet ». Aussitôt sortit de la paroi avant de la voiture un
petit plateau d'argent supportant une timbale également en argent. Alors GoyaGoya tourna le robinet et il en
coula une boisson délicieuse parfumée à la framboise. C'était si bon qu'il en but cinq verres de suite eu
changeant chaque fois de sirop.
— Maintenant, c'est assez, dit M. Lhazâr. Tu vas te
rendre malade. Nous allons prendre un acompte sur le déjeuner.
A droite du petit tableau se trouvait une plaque de
cuivre carrée, la plus grande de toutes. On la tira pour servir de table : à sa place bâillait une sombre
ouverture. GoyaGoya enfonça une grosse cheville sous l'inscription « Sandwich », quelques petites sous celles de
« jambon, pâté, fromage ». Sur la petite table de cuivre apparut alors, par l'ouverture, un plateau d'argent
portant d'appétissants petits pains rangés les uns à côté des autres sur un plat d'or. Les assiettes et les
couverts étaient, eux aussi, en argent massif et les serviettes de la soie la plus fine. GoyaGoya n'arrivait pas
à se rassasier; il avalait sandwich sur sandwich.
Quand le plat fut vide, on appuya sur un bouton et
il disparut à l'intérieur de la voiture. Désirant quelques gâteaux, ils se firent donner une pleine corbeille de
friandises de toutes sortes.
Enfin, ils retirèrent les chevilles, firent rentrer
la plaque de cuivre et, quand tout fut en ordre, ils se remirent en route.
— Où allons-nous? Demanda GoyaGoya.
— Aujourd'hui, nous ne ferons qu'un petit tour pour
t'apprendre d'abord à bien conduire. Tu es loin de connaître ta machine à fond. Tu as déjà vu qu'elle possède
beaucoup plus de qualités que n'importe quelle autre voiture. Je vais, à présent, te montrer quelques-unes de
ses particularités. Ne trouves-tu pas monotone, par exemple, de rouler sur une route plate? Ce serait bien plus
amusant de se promener à travers champs...
— Mais, s'écria GoyaGoya, on pourrait s'embourber et
même capoter!
M. Lhazâr sourit :
— Tu vas voir comme c'est facile! On roule aussi
bien sur les pierres et les galets que sur le sol mou et glissant. Mais il nous faut, pour cela, faire une
petite transformation. Je vais te montrer le maniement des différents appareils.
Ils s'arrêtèrent et M. Lhazâr se mit à l'ouvrage. Il
abaissa des leviers, tourna des manivelles, tira différents registres.
Au fond de l'auto se dressa un levier qui la souleva
lentement en l'air. Lorsqu'elle fut à environ cinquante centimètres au-dessus du sol, les roues disparurent à
l'intérieur comme l'avaient fait la timbale et le plateau. A leur place apparurent des rouleaux et de larges
chaînes.
Puis l'auto s'abaissa lentement sur le sol, tandis
que le levier rentrait automatiquement dans la voiture. L'auto ressemblait maintenant à un petit tracteur à
chenille, mais bien plus mobile et beaucoup moins lourd que ceux-ci ne le sont ordinairement; il était si bien
suspendu qu'on ne sentait pas du tout les inégalités du sol.
M. Lhazâr abandonna donc la route et se mit à rouler
sur les champs en friche. Il recherchait avec intention les endroits les plus difficiles, les surfaces
sablonneuses et les pierres pointues, les fossés profonds et les terrains accidentés. Mais au lieu de se sentir
cahoté, on glissait comme sur l'asphalte le plus doux. La voiture rebondissait légèrement sur ses ressorts et
pouvait ainsi marcher à n'importe quelle vitesse.
Au milieu d'un champ, ils rencontrèrent un grand
troupeau de moutons. Comme ces animaux ont coutume de le faire, ils paissaient tous au même endroit, étroitement
serrés les uns contre les autres.
— C'est trop compliqué de faire le tour de ce
troupeau, dit M. Lhazâr. Il va falloir qu'ils nous laissent le chemin libre. Nous allons écouter ce qu'ils
racontent.
— Mais, nous ne comprendrons pas autre chose que
leurs mê-ê-ê mê-ê-ê... dit GoyaGoya en riant.
Tu te trompes. Chaque animal possède son langage
propre, aussi varié que la langue humaine. Seulement l'oreille de l'homme ne peut en saisir les nuances et c'est
pourquoi on s'imagine que le langage des animaux se limite à quelques sons répétés. En réalité, il en est tout
autrement. Je t'ai déjà dit que le cornet de cette auto était un cornoscope enchantée qui peut reproduire non
seulement tous les airs de musique, mais aussi toutes les langues humaines et le langage de tous les animaux.
Regarde cette plaque d'argent sur laquelle sont disposées des touches d'ivoire, carrées ou rondes. Elle est
hexagonale et chacun de ses côtés porte une inscription : hommes, mammifères, oiseaux, reptiles, poissons,
insectes. A son tour, chaque division a ses subdivisions qui correspondent aux différents peuples de la terre et
aux différentes espèces d'animaux. Donc, si tu veux comprendre la langue ovine, il faut appuyer d'abord sur la
touche carrée « mammifères », puis sur la petite touche ronde « mouton ». La touche noire au milieu de la plaque
sert à faire cesser le langage.
« Ce cornoscope (*2) est
donc un instrument très sensible. La même énergie qui transmet tes pensées à ta langue et lui permet de les
exprimer se communique par les nerfs de ta main au cornoscope et transforme le travail de ton cerveau en sons,
reproduisant exactement ceux qui correspondent à la langue que tu désires.
« Veux-tu comprendre, à ton tour, ce que disent les
animaux? Tu prends l'écouteur qui est toujours suspendu à ce petit crochet; à côté de la table des langages, et
tu le portes à ton oreille. Ce n'est qu'une coquille ronde en acier. Mais elle est construite de telle façon
qu'elle décompose tous les sons émis par les animaux dans leurs plus petites vibrations, les transforme, comme
pour la T. S. F., en ondes électriques, et transforme ensuite celles-ci en des sons nouvellement combinés qui
résonnent enfin dans la langue que l'on veut obtenir. Cet écouteur, par exemple, traduit tout en français.
« Et à présent, nous allons écouter ce que veulent
dire les mê-ê-ê des brebis.
Ils marchèrent droit sur le troupeau. Lorsqu'ils
virent l'auto venir sur eux, les moutons se serrèrent encore plus fort les uns contre les autres. La trompe fut
donc disposée de telle sorte qu'elle se mit à bêler comme une véritable brebis et cria dans ce langage :
— Place! Place! Place! GoyaGoya porta l'écouteur à
son oreille. Il ne perçut d'abord qu'un bêlement monotone dominé par les aboiements sonores du chien de berger.
Mais, au bout d'un instant, il commença à distinguer quelques mots isolés :
— Quelle impudence! C'est inouï! Disait un gros
mouton. Avez-vous déjà vu chose pareille?
— Vraiment! Criait un autre. Les hommes deviennent
de plus en plus hardis et insolents. On n'est plus en sûreté nulle part!
— Comment veiller maintenant sur ses petits?
Geignait une grosse maman brebis. Autrefois, ils restaient du moins sur les routes, mais voilà qu'ils pénètrent
à présent dans nos pâturages. On ne peut plus jouir de la vie !
Le chien de berger aboyait :
— Qu'est-ce que vous voulez? Qui êtes-vous?
L'Auto-Magique n'avançait plus qu'au pas.
— Place! Place! Criait le cornoscope !
Le troupeau la cernait maintenant de tous côtés, se
refermait derrière elle. Une jeune brebis toute blanche se mit à bêler :
— Maman, j'ai peur! j'ai peur!
— Filez ou je vous mords, hurlait le chien.
— A bas les hommes! cria un vieux bélier dans les
derniers rangs. Écrasez-les! Ne cédez pas, tas de poltrons!
— Oui, à bas les hommes! cria un autre.
Défendez-vous, ne les laissez pas passer!
— Je vous mords, hurlait le chien.
GoyaGoya fut réellement pris de peur devant toutes
ces têtes cornées et ces yeux menaçants. Déjà, les plus forts béliers prenaient position. Ils raidissaient les
jambes de devant, baissaient la tête, prêts à foncer sur l'intrus.
Impérieuse, le cornoscope clamait maintenant :
— Place ! Ou je vous passe sur le corps !
Sonnailler (1*), gare à toi! Le sonnailler, que l'âge et la sagesse avaient gratifié
d'une longue barbe, secoua la tête, indigné, loucha vers M. Lhazâr et, à coups de tête, poussa de côté les
animaux surexcités.
— Laissez-les donc passer, camarades ! Avec une
pareille canaille, ce n'est pas la peine de s'expliquer!... A contrecœur et en grognant, le troupeau se rangea
de côté. Quand l'auto fut passée, le chien la poursuivit en aboyant.
— Paix! lui cria le cornoscope qui, en deux temps,
avait été placé sur la langue canine.
— Est-ce que tu ne reconnais plus M. Lhazâr? Alors
l'animal se coucha en agitant la queue humblement.
Le jeune berger assis à l'écart regardait la scène
sans rien comprendre à ce qui se passait.
Le soleil avait atteint le zénith. Comme cela se
produit quelquefois au printemps, il était plus brûlant qu'à certains jours de juillet.
M. Lhazâr paraissait s'en trouver fort bien. Plus il
faisait chaud, plus il brillait et plus l'auto-magique miroitait de toutes sortes de couleurs. Mais GoyaGoya
commençait à transpirer. Le sang lui montait à la tête et ses tempes battaient.
Il but encore un verre de limonade, mais ne se
sentit pas mieux. On apercevait au loin une forêt épaisse et ombragée. Le petit garçon la regardait en soupirant
d'un air d'envie, mais pas un chemin n'y conduisait ni ne la traversait.
— Tu peux traverser les forêts les plus épaisses
avec ton auto sans avoir besoin de chemin, lui dit son compagnon. Elle n'est pas aussi rigide que les voitures
ordinaires, et l'on peut en changer la forme à volonté, l'étirer en longueur ou en largeur. Entrons donc dans le
bois.
A la lisière de la forêt, il fallut cependant
s'arrêter afin de redonner au tracteur à chenille sa forme antérieure. L'opération fut exécutée de nouveau à
l'aide du levier.
Puis la deuxième transformation commença. Les sièges
se déplacèrent de façon à se trouver l'un derrière l'autre. On étira la voiture pour qu'elle ne s'accroche pas
aux arbres. Pour cela, M. Lhazâr mit en mouvement toutes sortes de mécanismes. L'auto frémit légèrement,
s'allongea et devint presque aussi étroite que les sièges. Cette fois, elle ressemblait vraiment à un grand
lézard avec sa longue queue à l'arrière, tandis qu'à l'avant, le radiateur figurait une tête étroite et plate.
Ils entrèrent dans la forêt. M. Lhazâr conduisait si habilement que l'auto se glissa entre les troncs d'arbres
comme un serpent et sans ralentir un seul instant.
Arrivés au milieu d'une clairière, ils décidèrent de
se reposer et de déjeuner. Il était midi.
Dans la fraîcheur de la forêt, GoyaGoya avait repris
des forces. Il trouva délicieux le poulet rôti que l'auto leur fournit. Comme dessert, il commanda de la glace à
la vanille avec des biscuits à la cuiller et but ensuite une orangeade. Puis il s'étendit de tout son long dans
l'herbe et contempla le ciel bleu. Il aurait fait volontiers une petite sieste, mais son compagnon donna le
signal du départ.
— Nous n'avons pas de temps à perdre, dit-il, car il
te reste beaucoup à apprendre.
Ils remontèrent donc en auto et furent en quelques
minutes hors de la forêt. Sur la route, la voiture reprit son ancienne forme.
À mesure qu'ils avançaient, GoyaGoya découvrait
ainsi les merveilleuses qualités de l'Auto-Magique. Rien ne lui était impossible. Il suffisait d'être
familiarisé avec le système compliqué et perfectionné de leviers et d'interrupteurs. Il fallait aussi prendre
garde à ne pas manœuvrer à faux, car on pouvait avoir les pires surprises. Une fois, GoyaGoya voulut sauter
par-dessus un troupeau d'oies. Il se trompa et un énorme jet d'eau, jailli du radiateur, mit en fuite les
animaux effarés. Une autre fois, il mania le levier si maladroitement que l'auto exécuta de véritables sauts de
chèvre.
GoyaGoya apprit aussi que sa voiture possédait un
blindage extérieur qui la mettait à l'abri des balles et aussi qu'elle pouvait changer de couleur à volonté pour
se confondre avec son entourage. Elle devenait verte comme la prairie, rouge comme un champ de coquelicots,
jaune comme le sable ou grise comme la route. Il suffisait de placer l'aiguille sur la couleur correspondante du
tableau des couleurs. Mais GoyaGoya, ayant voulu en faire l'essai afin de traverser un village sans être aperçu,
il se trompa encore. L'auto se revêtit d'un bleu resplendissant et apparut, au
milieu du village, semblable à un bluet géant. Les enfants lui jetèrent des pierres et ne furent pas peu
déconcertés lorsque celles-ci leur revinrent sans avoir atteint la voiture.
Un instant après, ils s'écartèrent de la grande
route et roulèrent sur une autre plus étroite. Au loin, une rivière scintillait comme un ruban d'argent. Au
grand étonnement de GoyaGoya, son professeur lui dit de marcher droit sur elle.
— Voulez-vous longer la rivière? Demanda-t-il.
— Non, nous allons passer de l'autre côté.
— Mais il n'y a pas de pont...
— Ce n'est pas nécessaire. Nous la traverserons à la
nage.
Aussitôt qu'ils furent arrivés au bord de la
rivière, M. Lhazâr mit en marche un mécanisme invisible. A droite et à gauche de la voiture surgirent des
plaques d'acier. Elles étaient bombées comme la quille d'un navire et restaient, telles deux moitiés de bateau
séparées, suspendues de chaque côté. Le levier sortit encore une fois du fond de l'auto, la voiture fut soulevée
à cinquante centimètres au-dessus du sol et les roues se replièrent sous elle. Elle s'abaissa lentement et le
levier disparut automatiquement à l'intérieur. L'auto-Magique reposait maintenant sur l'herbe comme dans un
bateau.
Comment penses-tu que nous arriverons jusqu'à la
rivière? demanda M. Lhazâr. GoyaGoya le regarda malicieusement.
— Si nous n'attelons pas devant notre bateau une
paire de bœufs, il nous faudra le pousser nous-mêmes, répondit-il.
— Eh bien! regarde quelle espèce de bœufs je vais y
atteler.
Il s'affaira encore une fois autour du tableau.
Bientôt
apparurent à l'avant et à l'arrière du bateau des roues dentées pourvues de crochets bizarres qui s'enfoncèrent
dans la terre et qui, actionnées par le moteur, poussèrent à chaque tour de roues la lourde machine en avant.
Elle descendit ainsi la pente de la rivière et fut remorquée dans l'eau. Aussitôt qu'elle commença à flotter,
les roues dentées disparurent.
L'auto-Magique s'était donc métamorphosée en une
sorte de canot automobile. M. Lhazâr apprit ainsi au petit garçon que s'il allait un jour sur mer, il pourrait
revêtir facilement sa voiture d'une carapace blindée et la transformer en sous-marin. Il pourrait plonger
jusqu'au fond de la mer et rester sous l'eau aussi longtemps qu'il le voudrait. Car, de même que des vivres,
l'auto pouvait lui fournir de l'oxygène en quantité suffisante.
Tout en bavardant, ils naviguaient sur le fleuve,
jouissant du calme qui régnait sur la campagne environnante. Mais le temps passait et l'on se dirigea vers
l'autre rive. GoyaGoya regarda la chaîne de montagnes qui se dressait à l'horizon et demanda s'il était possible
de grimper des montagnes escarpées avec leur auto :
— Certainement, lui fut-il répondu. Nous allons
l'essayer tout de suite. Il est déjà tard et la distance est assez grande. Mais si nous donnons suffisamment de
gaz, nous y parviendrons avant le coucher du soleil.
Les roues dentées reparurent, le « canot automobile
» regrimpa lentement sur la rive opposée et se posa ruisselant sur le sable. Tout à coup GoyaGoya sursauta. En
appuyant sur un bouton électrique, M. Lhazâr avait produit un courant d'air chaud qui soufflait en tempête
autour de l'appareil. En quelques instants les planches du bateau furent sèches. Le levier entra en action, les
parois du canot rentrèrent, les roues reprirent leur ancienne position et l'auto s'abaissa sur le sol. Alors,
ils filèrent comme le vent à la même allure que le matin. L'air sifflait aux oreilles du petit garçon, il avait
la respiration coupée. Il ne se sentait pas de joie!
Une demi-heure après, ils étaient au pied de la
montagne. Ils prirent d'abord de la hauteur comme en se jouant. Mais quand la côte devint plus raide, un
mécanisme spécial poussa la voiture en l'air à l'aide de crochets et de grappins. Les parois de rochers les plus
lisses n'étaient pas un obstacle pour eux. Dans ce cas, des ventouses en caoutchouc venaient à leur aide.
Semblables aux pattes d'une chenille géante, elles se portaient en avant, aspiraient fortement le sol et se
détachaient l'une après l'autre de la surface lisse. C'est ainsi que l'étrange auto grimpa jusqu'au sommet.
Par, instants, elle se trouvait suspendue presque
verticalement au-dessus de la terre et les occupants ne pouvaient se maintenir assis que par, le changement de
position automatique des sièges qui suivaient l'inclinaison de la voiture. Quand GoyaGoya regarda en bas, il eut
le vertige; son regard plongeait dans des ravins et des précipices, glissait sur des pentes abruptes et des
rochers.
Il craignait sans cesse que l'auto, perdant son
point d'appui, ne fût précipitée dans l'abîme et brisée en mille morceaux. Mais, à côté de lui, M. Lhazâr
restait très calme et ne paraissait pas ressentir la moindre émotion.
Parvenus au sommet, ils s'arrêtèrent un instant.
GoyaGoya, délivré de toute crainte, put enfin jouir du magnifique paysage. Jamais il n'avait rien vu d'aussi
beau. Des chaînes de montagnes à perte de vue... On eût dit les vagues pétrifiées d'une mer enchantée. Et quand
le soleil couchant colora de rosé toutes les cimes, son cœur battit d'enthousiasme.
C'est alors que GoyaGoya vécut quelque chose de
merveilleux. M. Lhazâr mit en mouvement le plus grand groupe de leviers et de manivelles, procéda à des
embrayages et des débrayages. Des ailes d'avions géantes se déployèrent lentement de chaque côté de la voiture;
des hélices dissimulées à l'avant du moteur se mirent à tourner, un appareil de gouverne grandi à la pointe
arrière. Le moteur se remit en marche et cette merveille de technique s'éleva majestueusement dans les airs,
montant de plus en plus haut et planant, avec un léger murmure, sur la paix du soir...
Le
soleil s'abaissait à l'horizon comme un globe incandescent...
C'est donc par les airs qu'ils prirent le chemin du
retour. GoyaGoya allait d'étonnement en étonnement. Que la terre est étrange, vue de si haut! Comme les maisons
sont petites, les rues longues et étroites, les hommes et les animaux minuscules! Les champs semblent un damier
aux dessins inégaux. Les collines, vues ainsi en raccourci, paraissent aussi plates que les plaines elles-mêmes.
On ne distingue plus les troncs des arbres, leurs cimes ont l'air de mousse frisée ou de buissons écrasés sur le
sol. Là-bas, sur la mer encastrée dans une plage de sable et qui ressemble à une glace aux contours irréguliers,
des barques glissent, telles des insectes dont les pattes seraient figurées par les rames. Comme des
mille-pattes s'écria GoyaGoya.
Il ne se lassait pas de contempler le spectacle que
lui offrait la terre.
Il faisait presque nuit lorsqu'ils atterrirent près
de la ville en un beau vol plané. L'avion fut aussitôt retransformé en auto.
Avant de nous séparer, dit alors M. Lhazâr, je veux
te donner encore quelques explications. Tu t'es certainement étonné que l'Auto-Magique puisse contenir tant de
lourdes plaques de fer, tout un bateau, des ailes géantes, des ressorts et des appareils à leviers, sans parler
de son propre moteur électrique et de tout le mécanisme habituel d'une auto. Et avec cela, de l'eau, des vivres,
etc.
Voilà ! La matière première dont est faite cette
machine a la propriété de se transformer à volonté en n'importe quelle substance.
C'est un fluide impondérable qui peut cependant
adopter la consistance d'une plaque d'acier aussi bien que la porosité du bois, de même qu'il peut devenir
liquide ou gazeux.
Tout dépend de la manière de combiner les parties
microscopiques dont elle se compose et qui s'appellent des molécules, des atomes et des électrons. Cela se
produit au moyen d'une énergie accumulée à l'intérieur de l'auto et qui concentre les atomes selon les besoins,
les distend ou les disloque. Un mécanisme très finement fait de la même matière et approprié aux usages auxquels
on le destine donne instantanément à la substance ainsi obtenue la forme nécessaire. De cette façon s'obtiennent
les planches du bateau, les ventouses en caoutchouc, la limonade, les côtelettes de mouton, etc... Tout cela
sort de l'auto. Et quand tu vois disparaître dans ses profondeurs le bateau et l'avion, il ne se produit pas
autre chose que ce simple phénomène : la matière avec laquelle chaque objet était fait est revenue à son état
primitif. D'ailleurs, tout se passe de même dans la nature, mais celle-ci travaille plus lentement.
« Tu comprendras donc que ton Auto-Magique n'ait pas
besoin de garage, car elle peut devenir invisible en passant à l'état gazeux. Elle conserve cependant sa
structure intérieure et extérieure, toutes les pièces qui la composent étant reliées ensemble dans leur état
actuel par une grande force d'attraction. Imagine-toi que c'est un nuage qui a la forme d'une auto. Mais cette
image est si allongée que l'œil humain ne peut la saisir. On peut même passer au travers sans s'en apercevoir.
« Vois-tu cette serrure qui est adaptée au côté
droit de l'auto, juste derrière le capot?
C'est la seule partie solide de la voiture. Pour
faire passer celle-ci à l'état gazeux, il faut prendre la serrure entre le pouce et l'index afin que, par la
suite, elle ne tombe à terre. Tu appuies sur le bouton doré placé sur le petit trou de la serrure et l'auto
disparaît. Tu ne gardes alors que la serrure.
« Pour redonner à l'Auto-Magique sa forme palpable,
on a besoin d'une clef. Mais aucune clef ordinaire, même si elle tourne dans la serrure, ne pourrait te rendre
ton auto. Seule, cette clef enchantée, que je te donne, peut faire passer ta voiture de l'état gazeux à l'état
solide. C'est par une pression sur le bouton que tu as ouvert la serrure. Eh bien! C’est en faisant un tour de
cette clef dans la serrure qu'en se refermant elle remet l'auto à ta disposition. Il faut seulement faire
attention, en faisant marcher le ressort, de tenir la serrure exactement entre les deux doigts comme en
l'ouvrant. Sinon tu recevrais un choc très douloureux dans la main.
« II va sans dire que tu ne devras jamais perdre ni
la serrure ni la clef, sinon tu ne reverrais plus ta voiture.
En même temps, il remit à GoyaGoya une petite clef
plate, qui ne se distinguait des autres que par sa forme recourbée.
Et maintenant, je vais me séparer de toi, dit-il. Si
tu es un jour dans l'embarras, il te suffira d'adapter le cornoscope de l'auto sur hasard et je serai là. Mais
n'oublie pas d'y ajouter le signe en morse S. 0. S. Si tu ne le fais pas, tu verras tout juste accourir quelques
lézards qui se promènent dans le voisinage. Adieu, mon ami!
GoyaGoya aurait voulu le questionner encore ou tout
au moins le remercier, mais la place était déjà vide : son compagnon avait disparu. Alors son regard tomba sur
un gros tas de pierres où un petit lézard aux couleurs brillantes le regardait de ses yeux verts et, à ce qu'il
lui sembla, ironiquement. Celui-ci fit entendre un léger sifflement, comme pour lui adresser un dernier adieu.
Puis il se glissa sous terre. GoyaGoya pensa trop tard qu'il aurait pu prendre le cornoscope afin de le
comprendre. Il n’était pas encore bien familiarisé avec le maniement de son Auto-Magique.
Il éprouva quelque angoisse en se retrouvant seul
assis dans sa voiture qui s'éclairait de la lumière rosée d'un magnifique coucher de soleil. C'est à peine s'il
osa en descendre. Soucieux, il s'assura d'abord que la clef était toujours dans sa poche. Puis il descendit en
hésitant, ferma la portière derrière lui, saisit la serrure de la main gauche et pressa avec l'index de la
droite sur le bouton doré. A l'instant l'auto disparut. Entre le pouce et l'index, il tenait une petite serrure
qui ne se distinguait de ses sœurs que par un petit bouton doré placé sur le trou. GoyaGoya la retourna
pensivement dans sa main, la mit dans ma poche, la ressortit. C'était une étrange impression que de savoir que
l'auto était maintenant suspendue, invisible, à cette serrure et qu'ainsi il la traînait partout avec lui et
tout le temps qu'il portait la serrure.
Mais non, il ne voulait pas garder celle-ci sur lui.
Il pourrait la perdre trop facilement ou l'abîmer. Et puis sa mère avait l'habitude de retirer tous les objets
lourds de ses poches, parce que cela les déchirait. Il reconnut, cette fois, qu'elle avait raison. Si sa poche
se perçait sans qu'il s'en aperçût, la serrure et l'auto seraient perdues pour toujours.
Il préféra donc cacher la serrure sous le tas de
pierres. Là, elle serait en sûreté. Il souleva quelques pierres et la plaça dessous. Cela lui parut aussi
important que s'il enterrait un trésor.
Enfin, il s'en retourna chez lui en courant...
Hiver 1963, La cloche de l'école retentit,
c'est la fin de la récréation !
Imaginez, mon désespoir lorsque je fus obligé de
refermer ce livre fantastique sur ce premier chapitre et allez le remettre dans la vielle armoire encastrée dans
le mur au fond de la classe sans savoir s'il allait retrouver la serrure magique et si allait fonctionner ?
Durant les mois et les années qui suivirent j'avais
beau aller à l'armoire, le livre magique n'y était plus. Beaucoup, plus tard au cours moyen 2ème années le
hasard m'a remis dans les mains ce qui restait de ce livre du début du siècle dernier (il n'y avait plus le
début et donc le titre de l'ouvrage) et je pus lire presque entièrement ce livre avec une vision moins enfantine
juste avant de rentrer en 6ème au collège, mais il manquait beaucoup de pages et je suis donc resté sur ma faim.
Il va donc vous falloir attendre pour connaitre la
suite que je vous raconte comment il m’a fallu presque 20 ans pour retrouver le manuscrit complet de ce livre
après une quête incessante qui a commencé lorsqu'avec ma future épouse nous nous promenions sur les bords de
Saône chez les bouquinistes. C'est un flash qui m'est revenu sur ce livre en farfouillant dans des caisses de
vieux livres et depuis cet instant je ne souhaitais qu'une chose le retrouver à tout prix.
La seule information que j'avais à ma disposition
était "Auto Magique", pas de nom d'auteur, pas de nom d'éditeur, pas d'année de sortie, pas de souvenir de
couverture puisqu'elle n'était plus là, bref un jeu de piste incroyable qui m'a fait traverser la France,
visiter toutes les libraires spécialisées en livres anciens que la France puisse connaître et poser la
sempiternelle question " je cherche un livre ancien qui possède le terme auto magique dans son titre".
J'ai essuyé des milliers de non, je connais pas,
jamais entendu parlé. J'ai passé des heures à parcourir les tranches de livres dans des rayonnages pour lire
leur titre. Puis un jour sur Paris, un libraire spécialisé dans le livre ancien de luxe me fourni une première
piste c'est probablement dans la collection "Bibliothèque Merveilleuse" Je n'ai pas ce livre, mais je sais qu'il
existe avec ce titre car il est cité dans la liste des ouvrages composants cette merveilleuse Série pour enfants
absolument rare à dénicher en bon état. Ils ont été épuisés par usure jusqu'à à la corde par ceux qui les ont
dévoré durant un demi-siècle dans leur lit avant de s'endormir dessus !
Grâce à cette première trace, j'ai pu retrouver, le
nom de l'éditeur "Denoël et Steele" , de l'auteur Italien (Gabrielli et Striem) et le nom de la traductrice
Française une certaine Mademoiselle G. Chatenet.
Je vous passe mes multiples tentatives pour tenter
rue Richelieu d'accéder au Saint Graal "de la Bibliothèque de France" avant la construction de la nouvelle
bibliothèque sur les bords de seine, pour aller quémander le droit à faire sortir cet ouvrage. Si vous n'étiez
pas chercheur dans les années 80 et 90 vous étiez prié de passer votre chemin. En plus pour un livre pour
enfant, vous voulez rire...
Ayant eu la chance de découvrir l'Internet depuis sa
genèse et le lancement du protocole http à l'origine de l'explosion du World Wide Web, j'ai exprimé à maintes
reprises dans les premiers forums de discussion "les news group" ma recherche. Cette quête ne m'a jamais permis
de d'être contacté par quelqu'un en possession de cet ouvrage.
Il y a eu à ce sujet, une anecdote croustillante sur
de l'Auto-Magique c'était lors du lancement mondial du moteur de recherche AltaVista de feu Digital Equipment
(Google était loin d'être né à l'époque). Invité pour l'avant-première en janvier 1996, l'orateur demande à la
salle si quelqu'un à quelque chose de particulier et d'original à demander qui pourrait servir de démonstration
pour découvrir la capacité incroyable de ce moteur de recherche.
Évidement, j'ai immédiatement levé la main, et crier
de l'autre bout de la Salle, oui vous pouvez m'aider ! en cherchant l'expression "Auto Magique".
En quelques secondes sur l'écran géant s'affichent
projeté par un immense Barco couleur tous mes textes de mes recherches successives posées dans les forums. Mon
nom s'affiche en clair et en géant et toute la salle découvre avec surprise que je suis à la recherche de ce
livre au titre à la fois simple et bizarre.
Ce fut évidemment un choc formateur pour moi sur les
dangers potentiels du web. Une expression composée de deux mots finalement très communs "auto" et "magique" ne
répondait en janvier 1996 que sur mon Nom propre dans le monde entier.
Bref, c'est encore raté pour retrouver ce livre
!
On retrouve encore dans Google mais plus dans Altavista des traces de mes demandes
exprimées en 1995! Une époque "priusstorique" pour l'Internet si j'ose dire... La vitesse exponentielle de
l'accélération du développement la technologie est bien là !
Les progrès de la technologie aidant, c'est
finalement le service internet de la Bibliothèque de France qui a accepté de me vendre un fac-similé il y a
quelques années du bien
mystérieux livre au prix de 251 photocopies. C'était bien avant la numérisation. Ce service m'a redemandé
plusieurs fois, vous êtes bien sure de vouloir payer 251 photocopies (sous entendu c'est bien cher pour ce type
de bouquin) ??!!!
Imaginer mon émotion, lorsque 35 ans après le
facteur m'apporte une grosse enveloppe papier kraft qui contient les photocopies intégrales du contenu de ce
livre...
|
A ce jour, je cherche toujours un exemplaire
original de ce livre. Amazone à l'outrecuidance de l'avoir référencé dans son catalogue sans bien
évidement être capable d'en avoir un seul exemplaire à vendre depuis son référencement...
|
|
La BNF n'a toujours pas numérisé dans
Galica cet ouvrage dommage !
|
|
A ce
jour je roule avec L'Auto-Magique... et ca croyez-moi c'est magique! Aussi
je remercie chaleureusement tout ceux qui ont permis ce rêve.
|
|
Le chapitre II de l'Auto-Magique se mitonne et
vous pouvez aussi venir vous glisser dans la suite ce conte merveilleux, cela ne dépend que de vous ! - En attendant sur le site
www.auto-magique.com vous pouvez découvrir l'aventure de 4 ans d'usage de deux voitures électriques
extraordinaires.
|
(*1) Sonnailler : animal qui, dans un troupeau, marche le premier avec
une clochette.
(*2) Cornoscope : Terme inventé par DoubleHybride 1 siècle plus tard - Il n'est pas tout
à fait au point en 2008
24 décembre 2008 - L'Auto-Magique en partance pour la veillée de Noël |